Entretien avec le journaliste syrien Bilal Srewel

 

Bilal Srewel est un journaliste syrien qui a été arrêté le jeudi 8 novembre dans les rues d’Afrin par des membres de Sultan Murad, une brigade armée soutenue par le gouvernement turc. Il a été maintenu prisonnier durant 72 heures, pendant lesquelles il a violemment été torturé, avant d’être relâché. Son seul crime: prendre des photos.

 

A travers notre projet “Journalistes en Danger”, nous allons lui apporter le soutien dont il a besoin. Voici son témoignage.

 

 

 

Savez-vous pourquoi vous avez été enlevé ?

 

La villde d’Afrin n’est pas un lieu sûr, il y a plein de groupes armés et chaque pas y est risqué.

J’étais en train de rendre visite à un ami dans sa pharmacie, quand j’ai décidé de sortir et prendre des photos. Je travaille comme journaliste avec l’association syrienne Sawaadna al Souria et j’ai donc toujours mon appareil photo avec moi. Un homme est alors venu vers moi et a commencé à me poser des questions. Je me suis poliment présenté, puis il apris mon apapreil photo. Il a ensuite passé quelques coups de fil et après quelques minutes une voiture est arrivée. Plusieurs hommes m’ont bandé les yeux et attaché les poignets, avant de me pousser dans la voiture. J’ai beaucoup de chance que mon ami ait assisté à la scène depuis sa pharmacie, autrement personne n’aurait su ce qui m’était arrivé.

Mon frère, qui travaille aussi pour l’association Sawaadna al Souria, a immédiatement été informé et a commencé une importante campagne médiatique avec l’Association des journalistes syriens, qui ont eux-mêmes contacté les principales chaînes de média, dont les chaînes turques.

 

Quel est votre état de santé actuel, sachant que vous aviez déjà une blessure assez grave depuis votre période dans la Ghouta orientale et que vous avez été brutalement torturé lors de votre enlèvement ?

 

J’ai une côte cassée, conséquence des violences que j’ai subies, mais seul le temps pourra soigner cela. L’ensemble de mon corps me fait aussi énormément souffrir, et j’ai une douleur à la poitrine.

 

Quelle était votre situation à l’intérieur de la prison du groupe Sultan Murad ?

 

Le jeudi soir, les yeux toujours bandés, j’ai été emmené dans une cellule individuelle. J’ai été torturé chaque jour pendant de longues heures et je n’ai reçu de la nourriture que le deuxième jour. Je ne voulais pas manger à cause de la douleur et du stress, mais j’avais également peur de refuser, et j’ai donc commencé à manger. J’ai été emmené pour un interrogatoire, mais tous les hommes présents parlaient en turc, excepté un qui parlait arabe. Il n’y avait aucune accusation claire émise à mon encontre, ce qui n’a pas empêché les violentes tortures.

Le samedi, un homme dans la cellule à côté de la mienne a commencé à me parler à travers un petit orifice dans le mur. Il m’a expliqué qu’il était là depuis trois mois et avait été torturé tous les jours depuis, sans aucun chef d’accusation.

Le samedi soir, j’ai été libéré et mon frère a été contacté pour venir me chercher.

 

Comment êtes-vous arrivé en Turquie aussi peu de temps après avoir été libéré ?

 

Deux jours après ma libération, la campagne médiatique autour de mon enlèvement était devenue encore plus importante. Mes amis avaient posté des photos de mes blessures et bleux causé par la torture partout sur les réseaux sociaux.

Les autorités turques ont envoyé un groupe des forces de sécurité me rendre visite. Ils voulaient entendre mon histoire en détails et m’ont demandé si j’avais besoin de protection. J’avais très peur de rester en Syrie, alors je leur ai demandé de m’emmener en Turquie. Ils m’ont tout simplement répondu : “Fais tes affaires et viens avec nous maintenant en Turquie”.

Voilà toute mon histoire.

 

Est-ce que vous prévoyez de retourner en Syrie ?

 

J’y pense constamment, mais n’arrive toujours pas à trouver une réponse. Je suis seul ici, j’ai quitté ma vie en Syrie. L’homme qui m’a enlevé a disparu, et je ne me sens pas en sécurité d’y retourner, alors qu’il n’a toujours pas été arrêté.

 

Pouvez-vous nous en dire plus à propos de cet homme qui vous a enlevé ?

 

Il a disparu après que j’ai été relâché. Des membres de sa famille sont allés au bureau de Sawaadna al Souria pour y voir mon frère. Ils l’ont accusé d’être responsable de la disparition de leur proche. Il a réussi à leur parler et à leur expliquer que ce n’était pas le cas, que nous n’étions que de simples civils souhaitant rester en dehors de tout ennui.

 

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